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Le Royaume d'Emmanuel Carrère
E. Carrère a la passion du Christ.
"Je n’aime pas E. Carrère, mais Le Royaume est excellent", disais-je il y a peu à un lecteur."Tout le monde dit ça", m'a-t-il répondu.
Le Royaume est un pavé de 630 pages, un roman très singulier qui mêle le royaume de l'auteur, Emmanuel Carrère, toujours prolixe quand il s'agit d'écrire sur lui, au royaume du dieu des chrétiens du premier siècle. La première partie, consacrée à la crise de foi catholique qu'a connu l'auteur il y a 20 ans, est facile et plaisante à lire, parce qu'il ne s'épargne pas, avouant son plaisir narcissique à se raconter; et parce qu'il ancre l'origine de cette enquête sur les contemporains de Jésus dans cette interrogation: comment des gens sensés et intelligents peuvent-ils adhérer au credo de l'immaculée conception et de la résurrection de Jésus Christ?
C'est ainsi qu'il va mener l'enquête en s’appuyant sur une bibliographie touffue et érudite, mais aussi sur ses propres commentaires des Évangiles effectués lorsqu'il était croyant. E. Carrère a participé a la traduction de la Bible parue Chez P.O.L. Son intérêt pour le christianisme ne date donc pas d'aujourd'hui, et ce n'est certainement pas en dilettante ni en simple athée qu'il écrit ce roman. Roman qui s'organise de façon chronologique et dans lequel les événements historiques se mêlent aux hypothèses romanesques. La langue très contemporaine est mise dans la bouche des apôtres de Jésus, en sorte que ces anachronismes de style donnent un supplément de saveur. Les digressions à propos d'auteurs antiques ou d'anecdotes autobiographiques éclairent le récit et le cheminement de la pensée. Et puis, il ne cesse de nous rappeler son goût pour la mise en scène, lui qui est l'auteur de nombreux scénarios. Si bien que nous sommes prévenus, dès qu'il imagine, invente, brode un personnage pour lui donner de l'épaisseur. Luc, l'évangéliste, dont on ne sait historiquement pas grand-chose, devient sous sa plume un homme familier et proche du lecteur, que l'on pourrait interpeler dans la rue aujourd'hui.
Si Le Royaume requiert une attention soutenue, surtout pour celles et ceux, qui, comme moi, vivent dans l'ignorance de la culture biblique, plus précisément du Nouveau Testament, le dernier roman de Carrère est captivant.
L'une des pépites de cette rentrée littéraires 2014.
Tags : royaume, Emmanuel Carrère, rentrée littéraire
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Commentaires
je lis ton commentaire et je viens d'écouter l'émission de radio sud-Bretagne sur la 1ére partie du livre;il n'y a pas à dire
vous n'êtes pas d'accord ! Cela me donne envie de me faire ma propre idée.